" ENTRE NOUS" spécial obsèques de Paul et message de Jean-Pierre Denis aux Amis de la Vie

juin 2020

 

 

 

Obsèques de Paul Malartre

 Les obsèques de Paul auront lieu vendredi 5 juin à 10h30 à la cathédrale de St Etienne. Dominique Fonlupt représentera les Amis de la Vie et à la demande de Geneviève, épouse de Paul, lira une intention de la prière universelle. 

 

 

  Lettre de Jean-Pierre Denis du 3 juin 2020 aux Amis de la Vie

 

Chers amis,

C’est avec beaucoup d’émotion, soyez-en certains, que vous écris.

Je dois vous annoncer une étape de ma vie personnelle qui sera aussi, je le mesure bien, une étape pour vous, lectrices et lecteurs fidèles. Mais voilà, c’est fait ! J’ai présenté ma démission de directeur des rédactions de nos trois titres, La Vie, Prier et Histoire & Civilisations. Je signerai mon dernier éditorial dans le numéro du 9 juillet, anniversaire de la première parution de La Vie Catholique Illustrée.

Je souhaitais évoquer mon départ à l’Assemblée générale de notre association, mais la pandémie a fait que celle-ci n’a pas eu lieu. J’ai alors différé, afin ne pas ajouter du trouble à cette période déjà compliquée dans toutes nos vies, celles des journalistes comme les vôtres. Je suis conscient de l’effet que peut avoir une telle annonce alors que nous sommes tous bouleversés par la disparition de notre cher Paul. Mais à un mois de l’échéance, il n’était plus possible d’attendre.

Je suis profondément désolé de ne pas avoir la possibilité de revoir au moins quelques-uns d’entre vous avant mon départ. C’est une grande frustration, alors que nous avons tissé tant de liens au fil des ans. Mais nous nous recroiserons peut-être autour d’un prochain livre, qui sait ?

Pourquoi partir ? Un choix personnel

Le 8 juillet 1945, donc, paraissait le premier numéro de La Vie Catholique Illustrée. L’été de nos 75 ans est aussi l’été de notre installation juste à côté de la gare d’Austerlitz, dans un immeuble conçu par un grand architecte, avec vue sur le patrimoine national, tant chrétien que républicain, Notre-Dame et le Panthéon. Ce double événement arrive à un moment historique. L’épidémie nous fait changer d’ère. La société est bouleversée. En septembre, nous serons dans un autre monde. Quand on change d’époque, il est bon de changer de chef. 2 J’ai derrière moi un quart de siècle de collaboration avec nos titres, une décennie comme responsable des pages « Religions », quatorze ans comme directeur de la rédaction de La Vie, la création des Essentiels puis des Atlas, les États généraux du christianisme, plus de 700 éditos, deux conclaves, trois élections présidentielles, une longue conversation avec le pape François … Il était temps que je libère la place, pour que quelqu’un de neuf vous dise avec des mots nouveaux le monde naissant. Certes, je l’avoue, reprendre la haute mer et m’y engager sans cette équipe que j’aime et sans vous qui donnez sens à ma vocation de journaliste, cela n’a rien d’évident. Mais la sirène a sonné, il faut y aller… « Va, vends ce que tu possèdes, et suis-moi ». À 52 ans, je crois devoir me forcer à lâcher prise, me remettre en état d’incertitude, accepter de n’être propriétaire de rien. C’est la seule raison de mon départ. Et c’est une décision strictement personnelle.

Sur quoi s’appuyer ? Notre journalisme

En 2006, je proposais à la rédaction de La Vie un projet « mieux identifié, mais pas identitaire ». Plus que jamais, cette vision me semble pertinente, à la fois pour ce titre et pour le christianisme. Nous sommes un journal de laïcs aux racines dominicaines, et un journal chrétien dans un groupe de presse laïc. L’annonce de l’Évangile aux périphéries, pour parler comme le pape François, est notre raison d’être. C’est la force de notre ligne éditoriale, enrichie par le christianisme social, renouvelée par le Concile, que de refuser la dissolution dans le sécularisme et de repousser l’enfermement dans le communautarisme. Je le dirai en Pyrénéen : sur les crêtes, le vent souffle plus fort, mais on voit plus loin, plus large. Et l’on se rapproche de ce divin sommet qui toujours semble reculer. Le journalisme que nous pratiquons, c’est cela. Indépendant et parfois insolent, anglé et approfondi, essayant de lutter contre la tendance à l’idéologie, sous son triple masque d’intolérance religieuse, de panurgisme médiatique ou de politiquement correct. Nous faisons des journaux de journalistes, comme on parle de vins de viticulteurs ou d’agriculture paysanne. L’implication personnelle, professionnelle et souvent spirituelle de la rédaction est magnifique. En outre, la presse écrite doit retourner à ses meilleures sources : raconter de fortes et belles histoires de façon approfondie, non pas pour penser à la place des lecteurs, mais pour leur donner à penser par eux-mêmes. Le plus beau compliment que vous m’aurez fait, ce n’est pas en me disant que vous aimiez mes éditos, quand vous les aimiez (car ce n’était pas toujours le cas !). C’est en m’écrivant que vous n’étiez pas toujours d’accord, mais que je vous aidais à vous faire votre propre opinion. 3 Puis-je aussi me montrer fier de mon équipe ? Oui, je peux, au moins une fois, puisque je m’en vais ! Dominique et Élisa ont toujours été formidables, n’est-ce pas ? Mais c’est la rédaction dans son ensemble qui est l’une des meilleures et plus sympathiques de toute la place. En outre, considérant ses modestes moyens, elle fait mille fois mieux que beaucoup d’autres, parfois mieux dotées ou plus réputées.

De La Vie catholique illustrée à la vie numérique démultipliée

Georges Hourdin avait inventé en 1945 un média moderne, « illustré ». La mue numérique est d’ampleur comparable à la renaissance de la presse libérée il y a 75 ans. Depuis le confinement, nous publions beaucoup d’articles exclusifs en ligne. Ils sont inclus gratuitement dans votre abonnement. Il vous suffit d’aller sur lavie.fr et d’activer votre compte. Rien de plus facile ! Au moment du déconfinement, nous avons lancé la newsletter « La Vie quotidienne », accessible chaque jour par e-mail. Là encore, il suffit d’aller sur lavie.fr et de cliquer sur « je m’inscris ». La vie de La Vie continuera, avec et pour son temps. Les nouvelles générations défendront l’écrit tout en développant de nouveaux supports, qui toucheront un public que jusque-là nous ne parvenions pas bien à rejoindre. Soyez-en certains, la direction de la rédaction sera placée entre d’excellentes mains, fidèles à la ligne éditoriale voulue par notre fondateur Georges Hourdin. La personne qui me succèdera saura défendre cette indépendance intellectuelle et spirituelle que nous avons toujours fait reconnaître dans les Églises comme vis-àvis de nos actionnaires successifs. Je n’ai, à cet égard non plus, aucune espèce d’inquiétude. Qui est-ce ? Je vous le dirai dans un tout prochain message !

Quant à moi, je vais rajeunir, puisque je redeviens ce que j’étais à l’âge de 15 ans : un lecteur. Oui, c’est le bon moment pour vous dire merci, merci, merci.

Jean-Pierre Denis

PS : Pour la suite, pas d’inquiétude ! Je demeure journaliste. Mais à partir du 1er septembre j’exercerai différemment ce beau métier. Nommé directeur du développement éditorial au sein du groupe Bayard, je travaillerai sur des projets nouveaux, dont je n’ai pour l’instant aucune idée…

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