Une économie au service de l’homme : est ce possible ?
Nous étions plus d’une cinquantaine samedi 17 mai à Bergerac pour réfléchir à cette question. En l’absence de Nathalie Geneste, empêchée suite à une intervention chirurgicale non prévue, mais pour maintenir les termes d’un débat nous avons retenu deux approches complémentaires: celle de la conférence des évêques de France et celle d’Attac.
Tirée de l’ouvrage des évêques ‘Notre bien commun’ une vidéo d’Elena Lasida, Economiste, Maitre de conférence à la catho Paris – ‘moins de biens, plus de liens’ a servi d’introduction : Elle explicite d’abord le concept de style de vie, qu’elle compare au style d’un artiste pour dire combien il nous faut prendre conscience de ce style qui induit nos choix de consommation, nos modes d’habiter, de transport etc. Bien des choses se passent à ce niveau inconscient tant au niveau individuel que collectif. Elle définit le bien commun comme le bien de ‘nous tous’ (Benoit XVI) pour signifier que l’intérêt individuel ne s’oppose pas à l’intérêt collectif. Rechercher le développement, intégral de tout l’homme, dans toutes ses dimensions et de tous les hommes. Elle propose une approche positive des limites : écologique, énergétique, de la croissance.
L’expérience de la confrontation aux limites, pertes, échec, mort peut ouvrir à d’autres possibles. C’est l’expérience de mort et résurrection que nous devons traverser tant individuellement que collectivement. Elle nous conduit à nous interroger sur notre rapport au temps (invitation à prendre son temps, savoir attendre, expérience de la durée et des maturations.) ; à l’espace (revaloriser les relations de proximité) ; aux autres (concurrence ou fraternité, partenariat et alliance, plus que contrats…..
Jeanne Vigouroux animatrice d’Attac à Bergerac brosse une large fresque historique sur l’évolution du concept de bien commun en passant par les biens nationaux (1789), les nationalisations, l’état providence, et même patron, relayant les institutions religieuses, en matière de soins, d’éducation, et développant à travers la planification infrastructure, logement, transport, recherche etc. inspiré jusque dans les années 1980 des orientations du Conseil de la Résistance. La création de l’Union Européenne pour garantir la paix et l’autonomie alimentaire. Elle évoque les grands accords internationaux : déclaration des droits de l’homme, droits de l’enfant, la création de l’OMS, la FAO, les sommets sur l’environnement. Le basculement des années 1980 à partir de la crise pétrolière d’abord, puis la fin de la conversion du dollar en or, le flottement des monnaies , la spéculation et actuellement la financiarisation de l’économie. Des entreprises internationales de plus en plus puissantes prennent la main ( la main invisible ?) sur le politique local et international. C’est l’entrée dans un monde de violence où le plus fort domine et il n’y a pas d’alternative, la chute du régime soviétique est là pour le démontrer.
Les crises systémiques de 1987, 1998, 2008 révèlent une dérive de l’économique qui abandonne la préoccupation du bien commun. Attac, mouvement d’éducation populaire fait des propositions : la mondialisation ne date pas d’hier, il s’agit de rétablir un nouveau contrat social basé sur la solidarité en matière économique, sociale, environnementale à travers l’espace et le temps. Combattre la financiarisation de l’économie (taxe sur les transactions financières), faire disparaitre les paradis fiscaux, lutter contre la fraude fiscale et les optimisations fiscales qui permettent à des grande entreprises internationales d’échapper à l’impôt, ce que ne peuvent se permettre ni les PME ni le particulier modeste. Combattre la dissymétrie entre revenus de travail et revenus du capital, redonner du sens aux banques, rétablir les régles prudentielles (Bâle) ; retrouver le sens des services publics, transport, énergie, eau etc. reconstruire un droit du travail. Mais que peut faire chacun à son niveau ?
Prendre conscience de ce qui nous arrive, s’en sentir concerné; C’est la question que les 3 ateliers sont invités à débattre.
Le local a été la clef d’entrée. L’action locale, l’intérêt et l’attention au voisinage met en question notre propre comportement (style de vie) ; c’est aussi le lieu de l’interpellation possible de nos élus, sinon de notre engagement, mais cela en fonction de notre tempérament.
Refuser de rentrer dans les clivages idéologiques qui condamnent des initiatives bonnes au motif quelles émanent d’un autre courant de pensée. Donner du sens au renoncement, établir ses propres limites non pas par ascèse, mais par considération de l’autre fut il à l’autre bout de la planète, prendre conscience des contraintes – acheter local, certes, mais quid de l’ouvrier indien qui doit lui aussi vivre. Rechercher l’information, rejoindre les associations locales engagées dans les luttes, ne pas rester seul, apporter sa part à l’intelligence collective, elle même créatrice.
La référence à Jésus Historique de Pagola a été l’occasion de souligner combien la pensée sociale chrétienne est – devrait être – le cœur du message de l’Eglise.
Bergerac le 17 mai 2014
PJ éléments de bibliographie proposés par Jeanne Vigouroux.
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Notre bien commun : Conférence des évêques de France. Edition de l’Atelier
Le goût des autres : Elena Lasida Edition Albin Michel.
Jésus approche historique. Pagola. Edition du Cerf
Quelles politiques pour servir le bien commun
Bibliographie
Etudes économiques et politiques
André Gorz
Capitalisme, Socialisme, Ecologie, Galilée,1991.
L'Immatériel, Galilée, 2003
Ecologica, Galilée, 2008
Joseph Stiglitz
La grande désillusion, Livre de poche,2003
Un autre monde. Contre le fanatisme du marché, Fayard,2006
Le triomphe de la cupidité, Les liens qui libèrent, 2010
Amartya Sen
Un nouveau modèle économique. Développement, justice, liberté, Odile Jacob, 2000
L'économie est une science morale, La Découverte, 2004
Jean-Marie Harribey
Le développement a t il un avenir ? Pour une économie solidaire et économe, Mille et une nuits, 2006
ATTAC ouvrage colectif
Altergouvernement, Le Muscadier, 2012
Pierre Rosenvallon
La société des égaux, 2011.
Thomas Piketty
Le capitalisme au XXIe siècle, Le Seuil, 2013
Travaux littéraires
Frédéric Lordon,, D'un retournement l'autre, Le Seuil, 2011 (théâtre ; pièce écrite en alexandrins!))
Gérard Mordillat, Les Vivants et les Morts, Calmann Lévy, 2005 (roman)
Films
Jean-Marc Moutout,Violence des échanges en milieu tempéré, 2003
Laurent Cantet, Ressources humaines, 1999
Gérard Mordillat, Le grand retournement, 2012