Vieillir Vivant : Bernard de Peufeilhoux.     Notes.

Nous étions plus d’une soixantaine pour écouter et échanger avec Bernard de Peufeilhoux, le 25 janvier dernier à Bergerac. Ceci n’est qu’un pâle reflet d’un grand moment de réflexion et de méditation que nous aurons partagé.

Dans un monde qui valorise la jeunesse et la performance, la vieillesse est vu comme une dégradation, alors que c’est le contraire : la vie est un processus permanent, qui va de commencements en commencements ; quels  nouveaux commencements la vieillesse nous ouvre t elle ?

Depuis le bébé à qui l’on a coupé le cordon, qui se détache de sa mère, d’abord en rampant, parfois à reculons, et puis à l’aide de ses genoux tremblants au début, se dresse au milieu des adultes : il devient ‘je’ au  milieu de nous ;  puis c’est l’adolescence, le temps des fleurs, des promesses, des désirs, des rêves, de l’utopie. L’âge adulte c’est le temps du fruit, des compétences qu’on met au service de la société, ce qui peut nous amener une forme de réussite. Réussir dans la vie ou réussir sa vie, mais ce n’est pas le sujet aujourd’hui. Ensuite  vient le temps de la vieillesse. Vieillir c’est vivre plus léger dit Michel Serres. Le temps du  lâcher prise (Durkheim) pour permettre à son être essentiel de se manifester. Commencer à cheminer vers la maturité, découvrir que ce que nous sommes est loin d’être abouti.

Ma relation à moi même : Passage du paraitre à l’être, se délier, au delà du ‘il faudrait.., je devrai’, ne pas avoir honte de laisser apparaitre ce que l’on est vraiment, prendre le temps d’aller vers ce qui a du prix pour nous, au-delà des ‘de quoi aurai-je l’air ?’

Expérience du déclin progressif de nos forces et découverte ce qu’il y a dans l’ombre de nous mêmes. C’est le moment de se relier. Passer du corps qu’on a au corps qu’on est. J’aurai beau changer de maison, de région, ma résidence principale, c’est mon corps, avec ses composantes, physique, cognitive, émotionnelle, spirituelle.

Relire sa vie, recueillir ce que l’on a  été pour se re-lier, créer avec soi même des liens nouveaux. Nous tenir au centre de nous  mêmes – et pas seulement dans la tête, (pour les asiatiques, le centre, c’est le ventre).

Les deux temps de la respiration : Expirer d’abord, lâcher prise, restituer ce qui nous a été donné, faire de la place en soi, ne pas se cramponner à ce qu’on a été, accepter de ne pas en rester là où nous avons abouti. Inspirer : faire entrer le nouveau, aller vers le désir, s’ouvrir.

Ma relation aux autres : Passer du souci d’être rentable au plaisir d’offrir notre présence. Nous sommes faits de racines mais aussi de feuillages. Puis-je être nourriture pour les autres, modestement ? Prendre conscience de la perception que les autres ont de nous. Se regarder comme les autres nous voient.

 Et d’abord le regard, porche de la communication : ces personnes âgées à l’entrée des maisons de retraites qui cherchent à capter le regard des visiteurs…pour être reconnues, perçues comme êtres vivants, quelqu’un !! On ne perçoit pas son propre regard alors qu’il en dit tant sur nous… ‘T’as vu comment tu m’as regardé !’ Certains n’ont jamais été regardés !

La voix : on oublie ce qui a été dit mais on n’oublie pas l’intonation, la voix qui vibre d’émotion, on entend ce qu’on espère entendre.

La main : elle n’est pas qu’un instrument pour faire, il y a des mains qui invitent et d’autres qui emprisonnent ;  elles peuvent aussi transmettre la tendresse, la caresse qui  rend son contour à la personne.

L’écoute, qui permet à celui qui vient de déposer ses peurs, ses doutes de repartir plus vivant.

Présence d’être à être : L’ouverture à  soi même nous ouvre à l’autre.

Le rapport au temps : du vouloir d’aller vite au plaisir de prendre son temps. On peut devenir autre en contemplant simplement le monde qui s’offre à nous. On peut bien voyager, emmagasiner des images, mais ‘qu’as-tu fait ce de que tu as vu ?’ Le souvenir transfigure les matériaux qui ont  été donnés. (M. Légaut) Contempler la mer, contempler un arbre, contempler le visage d’un enfant, qui sait ce qu’est l’amour car il en vient.

Il peut y avoir en  nous le temps du déni, le temps de la colère, de la dépression, le temps du marchandage, et puis vient  le temps de l’acceptation de ce que nous sommes. Deutéronome 30,19 ‘voici dit Dieu, je te propose la vie ou la mort, choisis donc la vie !’ Vieillir vivant, c’est arrêter de dire j’ai été pour dire je suis.

 

Ateliers 1 (2 groupes)  relation à soi même. Une question est posée : qui suis-je encore ? Etre ou paraitre. Mais les personne âgées qui se font belles en maison de retraites, ne le font elle pas d’abord pour elles mêmes ?   C’est le corps qui fait signe, la santé flanche. Accepter de se délier, ne pas avoir honte de ce qui est bon pour nous. Paraitre est un piège. Pour ça, la place de grand parents est gratifiante, car elle n’est pas dans le paraitre, les enfants nous renvoient ce qu’ils sont : un condensé d’amour…

3 grandes  peurs  surviennent avec l’âge : peur de ne pas être reconnu ; peur d’être traité comme un objet ; peur d’être abandonné.  Importance d’une présence attentionnée de l’entourage  qu’il soit famille ou professionnel. Question subliminale à beaucoup d’autres, dont celle  d’en finir vite : ‘docteur, ou X  vous allez m’aimez jusqu’au bout ?’

 Consentir c’est être dans son accomplissement, le contraire de subir.

Atelier 2 : rapport à l’autre. Etre là, regarder, toucher ou se laisser toucher. Pour les personnes qui se referment et sont isolées, trouver la porte d’entrée, donner un regard. Le sourire déclenche l’échange. Humilité : savoir demander et recevoir. On a cultivé la conscience occidentale, celle de l’avoir et du faire, il faudrait maintenant cultiver la conscience orientale, celle des valeurs et de  la contemplation. Soigner l’entre nous, dans une position ajustée et pour ça trouver l’ajustement en nous même entre le dos et la face.  Et lorsque l’autre souffre, savoir prendre sur soi, emmener dans son inspir sa souffrance et la rejeter en l’expirant.

Etre présent à l’autre ce n’est pas être devant (se serait vouloir le conduire là où il ne voudrait peut être pas aller, ni derrière, (vers où va t il ? ..) mais à coté.. qu’il  sente notre présence ; accepter que même si la communication est très faible, le toucher, la présence aident l’autre à vivre. Accéder au temps de l’intime et devenir passeur d’humanité (Maurice Bellet). On s’épuise et on se vide quand on accompagne, mais on reçoit beaucoup.

 Attention : On ne reçoit que ce qu’on veut bien se donner

Atelier 3 – rapport au temps. Se centrer sur l’essentiel, la gratuité, le silence, la solitude et la méditation. Laisser sa place à l’inattendu, dans la pleine conscience du moment présent, sans  préoccupation du passé déjà mort ni du futur qui n’est encore, vivre dans la confiance. La foi aide t elle ?  de toute façon la vie éternelle c’est maintenant, l’important n’est il pas de vivre vivant !

Grégoire de Nysse : A celui qui se lève vraiment il est dit : Lève-toi encore. A celui qui marche ne manquera jamais l'espace. Ainsi celui qui avance ne s'arrête jamais, allant de commencements en commencements par des commencements qui n'ont jamais de fin.

Marcel Legaut : Infimes, éphémères, mais nécessaires, perdus dans l’innombrable mais uniques. Limités de toutes part dans le faire et le dire, mais  en soi proprement mystère, inachevées par nature et sans cesse perturbés mais en puissance de s’accomplir. Très improbables dés la naissance toujours plus improbables dans la croissance. Héritiers d’un labeur immense, visités par une présence qui appelle plus qu’elle ne commande, poussés, soulevés,  sollicités, élevés au dessus de nous-mêmes, émergeant de la servitude, atteignant à la liberté,  ouvriers d’un avenir sans fin inséparable de vous, mon Dieu, nous vous magnifions.

Prières d’hommes.

 

Merci à Bernard de Peufeilhoux de nous avoir guidé dans cette méditation sur la vie.